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Conférences : les enjeux sémantiques de l’éthique et de la déontologie

Dernière mise à jour : 4 mars 2021

Les termes « éthique » et « déontologie » ont des portées différentes dans chaque région du monde. Lorsqu’il est question de la conduite des parlementaires, la définition de ces concepts est d’autant plus variée. Les membres du Réseau ont pu stimuler leur réflexion en la matière à l’occasion de l’Assemblée générale annuelle 2020 alors que deux conférenciers sont revenus sur des principes à la base de l’éthique et de la déontologie.


L’éthique et la déontologie


Le professeur de droit public à Science Po Paris, monsieur Guillaume Tusseau, est d’abord intervenu sur les concepts d’éthique et de déontologie. Au moment où l’effervescence déontologique est de plus en plus présente dans nos sociétés, il a présenté deux limites de ce phénomène : le caractère non spontané de ce développement de la déontologie et l’incertitude sémantique sur le sens des termes « éthique » et « déontologie ». D’une part, la déontologie relève de devoirs et d’obligations imposés par une profession particulière : « comme elle s’exprime à travers des obligations, la déontologie décharge d’une certaine manière celui qui lui est soumis de la responsabilité d’élaborer lui-même ces normes ». D’autre part, l’éthique engage la responsabilité personnelle : « elle repose davantage sur une méthode réflective sur la perspective d’imposer à un individu de penser lui-même sa pratique ».


Afin d’expliquer la relation entre l’éthique et la déontologie, Tusseau s’est penché sur la théorie de Jeremy Bentham pour qui l’éthique n’est pas seulement personnelle, mais aussi collective. Le déontologue est amené à intervenir en tant que guide là où la sanction pénale n’est pas utilisée : « le déontologue est spécialiste de la législation indirecte. Il va conduire à agir sur les choix des uns et des autres sans les contraindre, mais il va néanmoins les guider vers le bon comportement ». Dans le droit constitutionnel, la minimisation de la confiance envers les élus est au centre de la législation indirecte. Le renforcement du pouvoir du tribunal de l’opinion publique et de l’aptitude active est important. Tusseau ajoute également que « l’émergence de la préoccupation déontologique se traduit de manière de plus en plus fréquente par la présence d’un quatrième pouvoir ».


L’incompatibilité et les conflits d’intérêts


La professeure de droit public à l’Université Panthéon-Assas Paris 2, madame Cécile Guérin-Bargues, a ensuite abordé des thèmes plus précis de l’éthique et de la déontologie parlementaire, soit les régimes des incompatibilités et des conflits d’intérêts. Ces deux thèmes démontrent que l’indépendance du parlementaire est une nécessité, voir un état de fait et « la déontologie parlementaire a comme vocation de garantir l’indépendance de l’élu en dépit de ses liens avec ses électeurs ».


Bien qu’elles visent à garantir la séparation des pouvoirs, les incompatibilités se distinguent des conflits d’intérêts. Elles contraignent les parlementaires à choisir entre leur mandat et l’exercice d’un certain nombre de fonctions. Elles représentent plutôt une source potentielle de conflit d’intérêts. Guérin-Bargues a expliqué davantage les particularités de chacun de ces thèmes sous une perspective de droit comparé. D’abord, elle note deux types d’incompatibilités : le cumul d’un mandat avec une fonction publique non élective et l’incompatibilité professionnelle. L’encadrement du premier cas est similaire en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et au Canada, entre autres, où il y a interdiction de ce type de cumul. Il y a toutefois de plus grandes différences dans le deuxième cas, c’est-à-dire dans l’encadrement du cumul de fonctions avec les activités privées. Alors que la France réduit les possibilités de cumul de ce type, c’est plutôt l’inverse à l’étranger : « la liberté du mandat parlementaire prévaut de sorte que le cumul avec des fonctions privées est largement autorisé, voire encouragé parce qu’il peut être perçu comme un moyen d’assurer une certaine diversité au sein du parlement ».


Par ailleurs, Guérin-Bargues convient que le conflit d’intérêts est inhérent à la vie politique et par le fait même à tous les parlementaires : « l’existence d’un conflit d’intérêts n’est pas le signe d’une turpitude en lui-même, c’est plutôt la conséquence souhaitable de l’insertion du parlementaire dans une vie sociale et professionnelle ». Ce qu’il faut éviter ce sont les situations où le parlementaire privilégie son intérêt personnel au détriment de l’intérêt général. De plus, ce n’est pas le conflit en lui-même qui pose un problème, mais plutôt la manière dont il est résolu.


Consultez l’intégral des conférences et des discussions qui ont suivies :


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